Selected Works

Animato

Animato

Flux et reflux...
​Asseyez-vous à la terrasse d’un café, regardez le défilé incessant des passants, de ces centaines, de ces milliers de semblables qui vont et viennent, chacun à son pas, poursuivant une vie qui va s’accélérant.
Suivez-en un en particulier. Depuis le moment où il entre dans votre champ de vision, jusqu’à ce qu’il tourne le coin de la rue, il ne sera passé que quelques secondes, et son image déjà vous paraîtra floue, et de votre mémoire s’estompera inéluctablement. Qui pour saisir la fièvre de ces vies minuscules, de ces vies dont vous ne saurez jamais rien, sinon le photographe, cet œil aux aguets, attentif aux moindres détails, aux postures, aux gestes, aux mille façons de se vêtir, aux hésitations, aux empressements ?

Marc Krüger parvient, à force de patience, de poses longues, sans manipulation d’images, à capturer l’intensité de ces lieux urbains, théâtres des incessantes déambulations de l’humain. Se fait jour dans son travail la combinaison délicieuse de la réalité et du mouvement. Un univers figé en arrière-plan, quasi immuable, et au cœur même de cette architecture, les va-et-vient d’une foule sans cesse recommencée, une fascinante sarabande qui nous conte la fuite du temps. Des silhouettes dessinent des trajectoires embrumées, se croisent, se télescopent, fuient par-delà l’image, en une danse qui parait avoir été inventée pour le seul plaisir de l’œil.

De cette photographie virtuose au cœur de laquelle se dévoile le flux et le reflux de la vie de la Cité, sourd une impalpable mélancolie. La fuite du temps, oui, assurément, en filigrane. Mais aussi la mise en lumière de l’impermanence de nos existences, ces vies anonymes avides de dévorer le monde, et qui, au bout du compte, sont par lui digérées.
Ici et là, demeure un souvenir aussi vague et insaisissable que celui des traces légères que l’artiste saisit sur la pellicule…
L’image d’un monde qui s’évanouit sitôt qu’il s’invente, et sans cesse pourtant se régénère. On songe à Baudelaire : L’image d’un monde antérieur, comme voilé par les larmes de la nostalgie. Laisser opérer le lent travail de la mémoire, laisser affleurer le domaine de l’impalpable et de l’imaginaire……
Marc Krüger, en une esthétique subtile, illustre dans chaque image le propos du poète, jusque dans ses paysages – grands arbres comme chahutés par le souffle du temps – et dans sa photographie le mouvement devient autant flux de vie que, me semble-t-il, énergie du désespoir…

 

Ebb and flow...
Take a seat on the terrace of a café and watch the constant flow of passers-by, the hundreds and thousands of fellow human beings going back and forth, each at their own pace, pursuing their ever accelerating daily life. Let your eyes follow one in particular. Just a few seconds will pass from when the person enters your field of vision then turns the street corner. At that point the image of the person will already appear blurred to you and the recollection will inevitably dim. Who but the photographer, with his watchful eyes, attentive to the slightest detail, postures, gestures, the thousands of ways of dressing, hesitations and haste, could catch the feverishness of these minute particles of lives, these lives about which you will never know anything?

Marc Krüger, through patience, long exposures, without manipulating images, manages to capture the intensity of these urban places, backdrops to the incessant wanderings of human beings. There emerges in his work the delightful combination of reality and movement. A frozen, practically unchangeable world in the background and, at the heart of this architecture, the constantly repeated coming and going of a crowd, a fascinating saraband relating the passing of time. Silhouettes that leave misty traces, meeting, merging and fleeing out of the image in a dance that appears to have been invented for the sole pleasure of the eyes.

A latent melancholy can be felt at the heart of the work of this virtuoso photographer, where the ebb and flow of City life is unveiled. The passing of time is, of course, implicit. But the work also highlights the impermanency of our existence, anonymous lives eager to devour the world and which, finally, are digested by it.
There remains, here and there, a recollection as vague and as elusive as that of the insubstantial traces that the artist captures on the film.
The image of a world that vanishes as soon as it is invented, but which is constantly regenerated. It recalls Baudelaire: the image of a past world, as if veiled by tears of nostalgia. Let memory do its slow work, let what is latent and imaginary emerge…..
Marc Krüger, like a subtle painter, illustrates in each image the words of the poet, even in his landscapes – great trees as if buffeted by the wind of time – and in his photograph the movement becomes, for me, as much a flow of life as the energy of despair…

Ludovic Duhamel (Miroir de l'Art)

Passengers

Passengers
Des êtres d’opacité fragile font blocs d’humanité. Ils passent en étendue. Ils traversent. Ils sont traversés. On dirait des points d’éternité. Ou de passantes taches vitales. Des presque riens, des précaires, et des allusifs. Mais le monde subtil et rêvé de Marc Krüger, hanté des présences conjuguées des blancheurs infinies du monde et des sombres flaques de l’univers, vibre en profondeur autour de la présence humaine. Si l’humain ne dicte pas sa loi, s’il n’écrase jamais les surfaces, il est la trame vivante de l’étendue. Le lieu même de la vie, incertaine et miraculeuse, dans l’illusoire clarté des apparences. Le talisman de chair qui vibre dans la nuit des temps, et qui incarne en solitude l’insondable énigme de l’existence, qui hante à vif l’œuvre entière de Marc Krüger.
Le noir et le blanc s’affrontent, fusionnent et s’étreignent dans ce monde à mystères. Infinie sensibilité chromatique, dans le jeu infini de toutes les possibles nuances. Les humaines silhouettes sont proches des taches premières et mouvantes qui font le chaos de la vie. Elles s’abandonnent à l’absence des certitudes. Elles traversent. Elles sont traversées des énergies invisibles qui portent l’arrière-monde enchanté de Marc Krüger. Et l’éphémère est son territoire.

Beings with a fragile opacity are like blocks of humanity. They go back and forth across an endless expanse. They pass through it. It passes through them. They are like dots in eternity. Or like living spots passing by. They are hardly there, so precarious and allusive are they. However, Marc Krüger’s subtle dream world, haunted by the combined presence of all the infinite whiteness of the world and the dark puddles of the universe, vibrates deeply around the human presence. Although humanity does not lay down its law, although it never crushes the surfaces, it is the living fabric of the expanse. It is the very site of life, uncertain and miraculous, in the illusory clarity of appearances. It is the fleshly talisman which has been vibrating since time immemorial, and which is the solitary embodiment of the unfathomable enigma of existence and it nakedly haunts Marc Krüger’s whole body of work.
Black and white clash, merge and embrace one another in this mysterious world. There is infinite chromatic sensitivity, in the infinite interplay of all possible shades. Humans seen in silhouette are like the primary, shifting spots which make up the chaos of life. They give themselves up to the lack of certainty. They pass through. The invisible energies which carry Marc Krüger’s enchanted behind-the-scenes world pass through them. And the ephemeral is his territory.

Christian Noorbergen

Regain

Regain
Regain: nom masculin (ancien français gaïn, du franciquewaida, pâturage). Herbe qui repousse dans les prairies après la fauche.
Titre d'un roman de l'écrivain Jean Giono.
A la manière d'un cycle, d'une onde, d'un flux et d'un reflux, Regain explore la symbolique du recommencement. A la chaleur et l'optimisme des premières vues, succède une période plus incertaine inscrite dans le froid et l'abandon. Puis survient la disparition. Celle-ci laisse place au regain, la trace de ce qui a survécu. C'est tout autant une trace de ce qui a été, que le résultat d'une mise en mouvement qui déterminera ce qui sera.

“Regain“, le jamais vu du monde
Marc Krüger n’a nullement besoin des séduisantes couleurs qui saturent trop souvent les apparences de la réalité, et masquent trop souvent les profondeurs de sa présence. La distance ainsi créée par assèchement chromatique permet de mieux saisir les lignes de force qui sous-tendent le réel. Et de dramatiser subtilement le chant du monde lancinant qui hante au-dedans toutes les œuvres de Marc Krüger. Et chaque création est une passerelle d’altérité.
Chez lui, l’univers est d’ombres et de lumières, ou plutôt de clartés et d’opacités, voire de blancheurs et de noirceurs, avec une latence tragique qu’accentuent les magistrales tensions des noirs et des blancs. Les gris doux et sucrés ne sont pas sa tasse de thé.
La proximité de l’abstraction fouille à vif les mystères du visible. Les paysages de Marc Krüger sont des miroirs d’étrangeté, et les demeures humaines, quand on les voit, ne disent guère que la disparition. Ces implacables dormeuses, comme chez Hopper, s’abandonnent à l’absence des rêves.
Tremblements et vibrations sont les traces ultimes et secrètes des énergies qui remuent l’étendue. Comme jamais vu, le monde dessillé, mouvant et réinventé de Marc Krüger retrouve une innocence absolue.
L’univers est une énigme infinie.

“Regain”, the unseen world
Marc Krüger has no need of the seductive colours which all too often saturate the appearances of reality, and all too often mask the depths of its presence. The distance thus created by chromatic drying makes it easier to grasp the main outlines underlying the real world, and, subtly, to dramatise the song of the nagging world which lies hauntingly inside all of Marc Krüger’s works. And every act of creation is a gateway to otherness.
In his work, the universe is made up of shadows and light, or rather of clarity and opacity - or even whiteness and blackness - with a tragic latency which accentuates the masterly tensions of the blacks and whites. Sweet, gentle greys are not his cup of tea.
The proximity of abstraction nakedly searches the mysteries of the visible world. Marc Krüger’s landscapes are mirrors of strangeness and, when we see them, the human dwellings speak of hardly anything other than extinction. As in Hopper’s work, these implacable sleepers give themselves up to the dreamless.
Tremors and vibrations are the final secret traces of the energies which stir up the expanse. As though unseen, the world with its eyes opened, shifting and reinvented by Marc Krüger, has an absolute innocence restored.
The universe is an infinite enigma.

Christian Noorbergen

Sunrise

Sunrise

Dans mon imaginaire de photographe, les nouveaux horizons enchanteurs sont tout près de nous. Il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour les découvrir, ils peuplent notre quotidien, dans des environnements banals et familiers. Ils sont bien là, mais nous ne sommes pas toujours capables de les apercevoir. Il suffit dans bien des cas d'ajuster la mise au point, afin de les rendre visibles... Ils se présentent sous formes d'un sourire, d'une rencontre,… C'est plus une disposition de l'esprit, un phénomène d'ouverture à l'Autre. Se développer, se réinventer, grâce à la mise en mouvement, grâce à la rencontre… amoureuse, amicale… pourvu qu'elle soit transformatrice. Initier une perturbation, une sortie de zone de confort, une mise en mouvement propice au changement. Nos rêves de rencontre et de découverte de nouveaux horizons n'ont pas de prix et les oublier ne sert à rien, alors je les écoute, car avec eux soufflent les grands vents de liberté.
Le mouvement est au cœur du changement, "le mouvement c'est la vie" ne dit-on pas. Il m'a toujours inspiré, jusqu'à progressivement transformer mon écriture photographique. Auparavant je figeais le mouvement, aujourd'hui, je ne fais plus que l'accompagner. Je ne le coupe plus, j'en enregistre sa trace, sa présence.

Marc Krüger shared his thoughts on the Sunrise series: “In my photographer’s imagination, new, enchanting horizons are to be found on our doorstep. We don’t have to travel far to discover them, they’re there in our daily lives, in mundane, familiar environments. They’re there, but we’re not always able to see them. Very often we simply need to adjust the focus to make them visible... They come in the form of a smile, an encounter,… It’s more to do with a frame of mind, an open attitude to others. Our dreams of exploring new horizons are beyond price and it serves no purpose to forget them, so I listen to them because, with them blow the great winds of freedom.
He added: “Movement is at the heart of change, "movement is life", as they say. It has always inspired me to the extent that it has changed my photographic style. In the past I froze movement... today, I simply accompany it. I don’t stop it, I record its trace, its presence."

Impromptu